La dilatation temporelle et le paradoxe des jumeaux.

Publié le par jpep

L'un des "paradoxes" les plus connus concernant la relativité restreinte est dû au physicien français Paul Langevin et est souvent nommé "paradoxe des jumeaux". La situation imaginée par Langevin est la suivante: deux frères jumeaux décident de faire une expérience grâce à une fusée pouvant voyager à des vitesses proches de celle de la lumière. L'un d'entre eux reste sur Terre, alors que l'autre part en voyage à une vitesse relativiste, puis au bout d'un certain temps fait demi-tour et revient vers la Terre à la même vitesse. Le "paradoxe" consiste en ceci que lorsque le jumeau voyageur reviendra sur Terre, il sera plus jeune que son frère resté sur Terre. A partir de là, il existe plusieurs versions concernant "ce qui est paradoxal".
La version la plus simple est celle où, selon le bon sens commun, le paradoxe réside dans le fait que des jumeaux devraient garder le même âge toute leur vie. Mais ceci repose sur une conception de temps absolu et universel que la relativité renie entièrement. Ce n'est donc pas un paradoxe interne à la théorie. En revanche, il peut paraître paradoxal que l'un des jumeaux soit finalement plus âgé que l'autre car, a priori, rien n'interdit de se placer du point de vue du jumeau qui part dans la fusée et de considérer que c'est la Terre qui se déplace : depuis Galilée déjà, le mouvement et la vitesse sont relatifs. Ainsi, selon un principe de symétrie, on devrait s'attendre à ce que chacun des jumeaux puisse faire le même raisonnement et on ne saurait conclure qui des deux sera réellement plus âgé, ni même s'il y en aura un plus âgé. Or, cet apparent paradoxe n'est pas plus valable que le premier car les deux jumeaux n'ont pas des rôles symétriques. Celui qui part dans la fusée n'est plus un observateur inertiel car il subit des accélérations et des décélérations, alors que celui resté sur Terre n'en subit aucune. Il convient d'ailleurs de ne pas oublier que rien n'interdit dans ce raisonnement à la Terre d'être en mouvement de translation uniforme, elle est supposée inertielle, mais pas immobile, ce qui n'a aucun sens dans l'absolu. Par conséquent, pour faire des calculs valables dans le cadre de la relativité restreinte, il est nécessaire d'utiliser un système de coordonnées fixe (ou mobile à vitesse constante) par rapport au terrien, puisqu'il est inertiel. Si l'on souhaitait faire le calcul du point de vue du jumeau voyageur, il faudrait se placer du point de vue d'un observateur non-inertiel, cas sur lequel cette théorie ne dit rien (toutefois en relativité générale ce serait possible). Néanmoins, pour obtenir le résultat définitif, la relativité restreinte est suffisante, si l'on prend le soin d'utiliser un système de coordonnées valable.
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A gauche, cycliste relativiste vu par un piéton immobile dans une rue, à droite, rue vue par le cycliste. Dans chacun des cas, ce qui est en mouvement par rapport à l'observateur semble contracté dans le sens du mouvement. Le phénomène est symétrique, en accord avec le principe de relativité (cliquez pour agrandir). Figures extraites du "Nouveau monde de M. Tompkins" par G. Gamow, R. Stannard et M. Edwards (illustrations), Editions Le Pommier (2002).
Compte tenu de la technologie actuelle, l'expérience de Langevin reste impossible à vérifier sur des êtres humains. Cependant, une expérience très similaire a été réalisée à l'aide d'horloges embarquées dans des avions faisant le tour de la Terre en sens contraires avant de revenir à leur point de départ (on aurait tout aussi bien pu procéder avec une seule horloge mobile et une horloge fixe à la surface de la Terre). Pour mettre en évidence l'effet attendu, on peut montrer qu'une précision de l'ordre d'une microseconde (un millionième de seconde) est suffisante. Or, les horloges de pointe actuelles sont tout à fait capables d'arriver à une telle précision et l'effet prédit par la relativité restreinte a bien été observé. Par ailleurs, même si la dilatation temporelle est désormais un effet constaté presque tous les jours dans les accélérateurs de particules, on a pu l'observer avant même la construction de ceux-ci grâce aux rayons cosmiques. 
En effet, il existe un cousin de l'électron, nommé "muon", qui nous parvient parfois de la haute-atmosphère à des vitesses très proches de celle de la lumière (voir le dossier sur l'anti-matière). Ces muons ont été créés lors de réactions entre les molécules atmosphériques et des particules, éjectées au cours d'événements astrophysiques extrêmement violents, qui ont parcouru plusieurs années-lumière avant de nous parvenir. Mais les muons ont une propriété très précisément vérifiée lors d'expériences de physique des particules faites au sol (et dans lesquelles ils naissent avec des vitesses moindres) qui est leur instabilité : un observateur qui regarde un muon immobile par rapport à lui le voit se désintègrer en deux millionièmes de seconde. Ainsi, cette propriété étant universelle, aucun muon produit dans l'atmosphère ne devrait nous parvenir, cette durée ne permettant pas à une particule, même à la vitesse "c", de parcourir cette distance. 
Cependant, cette conclusion repose sur une erreur de raisonnement, qui est que la durée de vie du muon mentionnée auparavant est celle dans un système de coordonnées lié au muon, c'est-à-dire son temps propre de vie. Dans le référentiel lié au sol, la dilatation temporelle joue son rôle et le muon semble avoir une durée de vie d'autant plus longue qu'il se déplace rapidement. 
L'observation de muons nés dans l'atmosphère est donc une autre preuve de la "réalité" des effets relativistes. Toutefois, il est important d'insister sur le fait que ces "contractions spatiales" ou "dilatations temporelles" n'ont pas plus de réalité physique que n'en ont les changements de taille qui semblent accompagner le mouvement via les effets de perspective 1
Une fois intégrée la nécessité de renoncer au temps et à l'espace absolus et universels (vérifiée expérimentalement chaque jour), les effets prédits par la relativité restreinte ne devraient rien avoir de plus surprenant que ces derniers. Si ce n'est que nous ne les observons pas dans la vie de tous les jours puisque les vitesses relativistes sont peu courantes pour les objets matériels. Malheureusement, il en est de même de la plupart des autres prévisions de cette théorie qui reste donc souvent incomprise, même si les militaires ont rapidement réalisé qu'ils pouvaient tirer profit de l'équivalence masse/énergie.
 

Publié dans érudition

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